On sait que dès quatre ans, l’enfant traverse une première préadolescence.
A quatre ans, le cycle du don réciproque commence et l’enfant doit apprendre qu’il doit donner en échanges affectifs et de complicité et non plus seulement recevoir. Il doit donner gratuitement, pour le plaisir de l’autre. Il ne connaissait pas encore la profondeur de cet échange, véritable fondation de tous ses liens sociaux futurs, du respect de lui-même et des autres. L’atterrissage est souvent difficile et l’opposition à l’autre, aux règles et aux lois, très forte.
Don de soi, narcissisme, pitié, égo, sont les ingrédients nécessaires au bon développement de l’enfant, mais en équilibre les uns avec les autres. Ils sont enseignés à l’enfant par les comportements des adultes qu’il observe sans cesse.
Trahison :
A cet âge psychique, 4 ans, l’enfant comprend le couple parental amoureux, or il est en pleine découverte, pour lui, de l’amour amoureux pour l’un de ses parents. Parfois, il vit ce couple s’aimant comme une forte trahison. Il craint alors d’être lui-même désaimé et va se remettre à sucer fortement biberon, pouce ou sucette pour compenser ce sentiment d’abandon.
Il ne sait pas toujours se distancier de sa mère, ne connaissant pas encore l’autre forme d’amour : «l’amour-don» qui n’attend pas de retour.
C’est donc à ce stade, qu’il faut lui demander l’arrêt du pouce et de toute succion afin de l’aider à trouver une nouvelle image plus gratifiante de lui-même.
A cet âge, si l’enfant n’est pas suffisamment accompagné à dépasser cet amour incestueux pour découvrir sa propre identité sexuée, il choisira la régression par la succion et l’enfermement qui y est associé.
Nous pouvons vraiment parler d’une forme d’autosatisfaction qui va rendre l’enfant «otage» de sa propre pensée, de sa peur de grandir et de perdre « l’objet aimé ».
A cet âge, l’enfant construit son modèle affectif et sa compétence à aimer de façon saine, claire mais aussi durable.
S’il a recours à la succion régressive par peur de ses sentiments amoureux, il entre dans un risque de non discernement des liens affectifs et dans le risque de ne plus oser ni s’aimer, ni aimer l’autre.
Entre quatre et six ans :
A cet âge, l’enfant vit un passage identique à celui de la préadolescence (construction de l’identité, reconnaissance de l’autorité, ego…. ).
Il connaît bien son corps, son appartenance à un genre féminin ou masculin, sa famille, sa famille élargie, grands-parents, cousins. Il connaît bien son école et les quelques repères autour et dans sa maison. Il ne lui manque que l’essentiel pour être en sécurité, la conscience de son évolution sur la «boule terre» et la connaissance de l’espace et du temps.
Mais à cet âge aussi, une véritable impossibilité d’autonomie de vie peut être constatée si l’enfant reste dépendant de la succion, biberons comme pouce ou bien sûr, tétine. L’enfant montre alors une réelle impossibilité de croire en lui, en son corps assez fort, en sa psyché assez solide pour vivre dans le monde.
En effet, à cet âge encore l’enfant pense que derrière la maison, il n’y a plus rien ! il ne connaît pas non plus le rythme répété et sécurisant de la temporalité des heures, du jour, de la nuit, encore moins des mois et des années.
Si l’enfant doit vivre dans deux maisons, à temps partiel (séparation parentale), cet apprentissage va devoir se vivre en accéléré et avec des repères de sécurité encore plus forts.
Si à cet âge psychique, l’enfant tète encore son pouce ou une tétine (le doudou est possible sans limite d’âge), il va être nécessaire de prendre en considération son développement affectif et les carences qui pourraient y être liées. Si l’arrêt de la succion doit être fait pour une rééducation buccale, il est très important d’associer le travail dentaire à un travail psychologique, car le transfert du besoin de succion sur une autre dépendance, voire automutilation, est fréquent, très fréquent, à cet âge.
Dans toute séparation, et la succion en est une, il est important de proposer à l’enfant des contrats et des aides, mais surtout de l’accompagner à être acteur de son sevrage.
Un arrêt de la succion non nutritive non accompagné enlève à l’enfant le temps nécessaire de lent cheminement de construction psychique en sécurité affective.
Avant six ans, cela peut entrainer la perte de confiance en lui mais surtout en l’adulte, affectant ainsi la possibilité de se construire en inscrivant en lui des mémoires de manques, ainsi qu’une frustration inconsolable pouvant le guider plus tard vers des addictions.
Pour toutes ces raisons de développement psychique de l’enfant, nous ne pouvons concevoir une forme de calendrier universel d’âges et de soins pour les enfants, car il faut prendre en compte chaque famille, chaque couple parental et chaque âge psychomoteur et psychoaffectif de l’enfant.
Vous comprendrez pourquoi il nous semble donc nécessaire de travailler en coordination entre parents, médecins, spécialistes dentaires, ostéopathes et psychothérapeutes.
Marie Schmitt
Février 2016